Mario Draghi, le président de la BCE, a annoncé le 12 septembre dernier deux mesures pour atteindre un objectif d’un taux d’inflation proche de 2% et relancer l’économie.
Alors que les perspectives économiques s’assombrissent, ces deux mesures ont pour objectif de quitter une spirale déflationniste, et de relancer l’économie en incitant les banques à injecter des liquidités dans l’économie.
Depuis juin 2019, les OAT (obligations émise par l’Etat Français) à 10 ans passent sous la barre des 0%. Autrement dit, l’afflux de liquidités est tel, que les investisseurs sont prêts à rémunérer l’état en le finançant, en raison du très faible risque de crédit de la signature de l’Etat.
Quelles conséquences pour les assureurs ?
Ces taux bas génèrent une diminution du rendement des actifs des assureurs.
En effet, en raison du cycle inversé des flux financiers des assurances (les dépenses interviennent après les recettes), les assureurs placent l’excédent de liquidité sur les marchés financiers. Plus l’écart entre ces deux flux importants, plus les impacts sont élevés.
Sur les branches longues du IARD comme l’assurance construction ou la responsabilité civile, les assureurs ont la possibilité d’augmenter leurs primes pour compenser l’absence de revenu financier issu des placements.
En revanche, la branche Epargne-retraite de l’assurance vie est lourdement impactée par une longue période de taux bas. Et cela pour trois raisons :
Quelles sont les craintes de l’assurance Vie sur la dynamique des taux bas ?
Trop bas, les taux exposent l’assurance au risque de ne pouvoir honorer ses engagements en rendements. Trop haut, les taux exposent l’assurance au risque de rachat, l’épargnant pouvant souhaiter de se désengager d’obligations à faibles rendement, pour aller sur d’autres obligations plus rentables.
Mais le scenario le plus redouté serait un hausse brutale des taux, de l’ordre de un à deux points en deux ou trois ans. Les risques portent sur des rachats massifs de la part des épargnants sur des obligations à moins-values latentes, sans que l’assureur ne dispose de réserves suffisantes en provisions pour participations aux bénéfices.
Quelles évolutions pour l’assurance Vie ?
L’assurance vie propose aujourd’hui deux types de fonds (hors fonds Euro-croissance, dont l’usage est encore marginal en France) :
Pour Jean-Laurent Granier (directeur de Generali France), le fonds euros est bel et bien terminé : « Le fonds euros aujourd’hui, ne peut plus fonctionner, car l’économie et la réglementation nous enseignent que la base de ce que l’on vend doit être le taux sans risques, et le taux sans risques aujourd’hui, il est négatif.»
L’environnement de taux bas va faire évoluer l’offre d’assurance vie, en mettant en place des formes de garanties en capital et en limitation de la volatilité. Cette financiarisation du fonds UC va aussi modifier le panel de supports financiers offerts aux assurés, en y incorporant davantage de produits structurés. Cela requiert de plus en plus de compétences financières sur la gestion obligataire, des équipes de plus pointues sur la gestion d’actif ou une capacité à déléguer tout en réduisant les coûts.
Etapes par étapes, les assureurs devront inventer de nouvelles offres et faire prendre conscience à leurs clients que désormais l’investissement comporte une part de risque. Jusqu’à présent, les fonds Euro-croissance mis en place en 2014 ont eu peu de succès. Cependant, en proposant une gestion dynamique avec toutefois une garantie pour sécuriser une partie des plus-values engrangées, il est tout à fait plausible que les souscriptions s’accélèrent, d’autant plus que la loi Pacte intègre une simplification du dispositif « Euro-croissance », pour le rendre plus attractif.
Une autre alternative serait de revoir le cadre prudentiel de solvabilité II, en particulier sur les chocs d’actifs imposés sur les actions, pour que assureurs soient moins contraints sur l’investissement en action. C’est l’un des arguments qui avait été mis en avant par les assureurs auprès de l’union Européenne, dans le cadre de la révision de solvabilité II qui prendra effet début 2020. En facilitant le financement des entreprises, cette initiative est tout à fait dans le sens de la loi Pacte !
Par Etienne de Saint Louvent , consultant senior spécialiste SI assurance chez BI consulting